L’excellence opérationnelle : un geste de soin collectif ?
- Claudia Loutfi

- 7 oct.
- 3 min de lecture
Aujourd’hui, entre la pénurie de main-d’œuvre, la baisse des financements et la montée des droites autoritaires, une question m'apparaît : viser l’excellence opérationnelle ne pourrait-il pas devenir une façon de protéger nos acquis et de renforcer les organisations porteuses d’impact, afin de bâtir une résilience collective à la hauteur des défis sans précédent de notre époque ?
Par excellence opérationnelle, j’entends la capacité d’une organisation à atteindre ses objectifs avec rigueur, fluidité et cohérence, tout en respectant pleinement ses valeurs. Concrètement : des processus clairs, des outils adaptés et des pratiques collaboratives qui libèrent nos énergies plutôt que de les disperser.
Soyons clairs : nos milieux (de l’économie sociale, de l’action communautaire, du développement des communautés, de l’innovation sociale et de la transition socioécologique) sont porteurs d’expertises redoutables en gouvernance démocratique, en collaboration, en mobilisation, en ancrage et en partage du pouvoir. Nous arrivons à faire beaucoup avec peu, et ces compétences inspirent bien au-delà de nos réseaux.
J’aimerais donc lancer l’hypothèse que nous devrions ajouter l’excellence opérationnelle aux compétences à valoriser et auxquelles aspirer, afin de créer des milieux de travail sains et de renforcer notre capacité collective à faire face aux défis de notre époque.
L’excellence opérationnelle au service de milieux de travail sains
Nos milieux sont portés par des personnes brillantes, passionnées et créatives. Mais ces mêmes personnes sont aussi fatiguées. Après des années à tenir la cadence d’un marathon, il devient irréaliste de leur demander de sprinter dans le contexte actuel de polycrises et de fragilisation des démocraties… et tout cela avec les mêmes moyens (et parfois des coupures !).
Comment répondre à des besoins criants (et exponentiels) avec des ressources limitées, sans mettre nos équipes sous pression et tomber dans une culture de performance? Cette tension est palpable dans nombre d’organisations.
L’efficience n’est pas la solution au sous-financement ni à l’épuisement. Mais elle fait partie des moyens à considérer. Contrairement aux DOGE et autres versions qui la réduisent à du « ménage », elle peut être éthique, humaine et collaborative, si elle n'est pas pensée dans une intention de performance. D'ailleurs l’efficience, par définition, doit tenir compte des ressources réelles à notre disposition, incluant la capacité de travail de chaque personne.
Un fonctionnement clair, une gestion rigoureuse, une culture de rétroaction bienveillante : ce ne sont pas des mécanismes de contrôle, mais des gestes de soin collectif. C’est une façon de dire à celles et ceux qui portent nos idéaux : « Tu n’as pas à tout porter seul, nous avons bâti des structures solides pour que ton énergie serve là où elle a le plus d’impact. »
Ainsi, ce n’est pas un appel à la performance, mais bien un appel à respecter l’énergie de celles et ceux qui portent nos idéaux, en leur donnant les moyens de leurs ambitions.
L’excellence opérationnelle pour faire face aux défis de notre époque
Crise climatique, effritement de nos démocraties, inégalités sociales qui se creusent. L’époque exige que nos milieux portent attention à l’importance de bâtir des réponses très bien coordonnées, efficientes et résilientes. Valorisons l’excellence opérationnelle alignée, éthique et au service de la transformation sociale.
Permettez-moi une image : planter un arbre à la main peut sembler efficace et satisfaisant à petite échelle. Mais lorsque c’est une forêt entière qu’il faut planter, et dans un délai extrêmement court, la pelle ne suffit plus. Il nous faut des outils plus puissants, des méthodes plus structurées et une organisation adaptée à l’urgence de la tâche.
C’est exactement ce que représente l’excellence opérationnelle. Elle n’est pas une concession aux méthodes capitalistes et coloniales, mais un geste pragmatique et lucide qui nous permet de donner corps à nos ambitions. Nos ambitions ne sont pas modestes, elles sont immenses (excusez l’euphémisme). Et pour les réaliser, il nous faut nous doter d’outils à leur mesure.
L’excellence opérationnelle, c’est donc :
Prendre la réalité au sérieux : reconnaître que les défis devant nous sont colossaux et qu’ils exigent des pratiques solides et adaptées.
Amplifier la portée de nos actions : faire en sorte que les efforts et ressources investis aient un maximum d’impact.
Transformer nos idéaux en plans d’action ambitieux et durables : passer de l’intention au concret sans perdre de vue nos valeurs.
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