Un plan d’action… sans actions ?
- Claudia Loutfi

- 7 oct.
- 3 min de lecture
On connaît tous la scène : une stratégie ambitieuse validée, des objectifs clairs, un plan d’action écrit… et puis rien, ou presque. Le plan tombe dans un tiroir, les tâches du quotidien reprennent le dessus, on y revient sporadiquement, sans structure pérenne de suivi. On voit malheureusement ça souvent et, peu à peu, j'ai appris où ça coince et comment remettre les actions au cœur du plan.
Pourquoi tant de plans restent lettre morte
Plusieurs recherches identifient les causes récurrentes qui font que « plan d’action » ne rime pas avec « action durable », en voici quelques unes :
Compétition avec l’urgence : les opérations quotidiennes prennent le pas. Ce qui est urgent écrase ce qui est important, souvent faute de priorisation ou de protection du temps pour piloter le plan. D'ailleurs, une enquête montre que jusqu’à 60-90 % des plans stratégiques échouent en partie parce que le lien entre « ce qu’on a planifié » et « ce que les équipes font chaque jour » est faible ou inexistant.
Manque de clarté dans les rôles et responsabilités : qui fait quoi, pour quand ? Si ce n’est pas explicite, beaucoup de tâches restent “à faire par quelqu'un” mais sans personne précisément désigné.
Absence de visibilité continue : le plan existe, mais peu de système permet de voir où on en est, d’identifier les retards, d’adapter au besoin. Une autre étude démontrait que sans mesures de suivi pertinentes (indicateurs clairs, révisions régulières), il est impossible de corriger le tir à temps.
Objectifs trop ambitieux, ou trop flous : quand on fixe des objectifs sans les rendre tangibles, ou sans jalons intermédiaires, ça décourage, ça donne lieu à des “on verra plus tard” ou des abandons progressifs.
Peu d’engagement à long terme : le plan est souvent porté par quelques leaders au départ, puis les réunions de suivi s’espacent, le comité qui devait relancer s’essouffle, et le rappel aux priorités s’efface.
Ce que j’ai testé : mettre en place un environnement de suivi actif
Pour lutter contre ce phénomène « plan sans actions », j’ai mis en pratique une formule qui semble avoir un bon niveau impact. Je la partage ici, avec ses composantes concrètes.
Un tableau de bord interactif et itératif
On crée un tableau de bord structuré, qui juxtapose :
les chantiers stratégiques (ceux issus du plan stratégique)
les tâches quotidiennes ou opérationnelles — parce qu’on ne peut pas séparer totalement les deux
et une évaluation de l’impact + du progrès (jalons, % réalisés, retards, obstacles)
Ce tableau n’est pas statique : il évolue, on l’ajuste en fonction des réalités, on ajoute ou retire des chantiers, on modifie la priorisation.
Comités de suivi et rencontres régulières
Pour que ce tableau ne reste pas juste un bel outil, il faut :
Un comité de suivi chargé non seulement de voir ce qui doit être fait, mais aussi de célébrer ce qui a été accompli. Les rencontres statutaires (mensuelles ou trimestrielles) permettent de se poser : où est-on ? Qu’est-ce qui bloque ? Que peut-on ajuster ?
Du partage visuel dans l’organisation : que tous les membres de l’équipe puissent consulter ce tableau, voir les progrès, les retards, les priorités. Cela accroît la responsabilité partagée.
Évaluation continue et ajustement
Un élément essentiel : ne pas supposer que ce qu’on a défini au départ restera pertinent. En cours de route, on évalue :
la faisabilité des objectifs (ressources, temps, compétences)
les priorités : certains chantiers perdent de leur pertinence, d’autres émergent
la motivation de l’équipe : des objectifs trop ambitieux sans petits succès visibles risquent de démobiliser.
L'adoption d'objectifs un peu ambitieux (qu'on peut appeler des « stretch goals »), peuvent être bénéfiques dans certaines cultures organisationnelles, car ils poussent l’équipe à se dépasser. Mais ils comportent aussi des risques : une étude montre que les « stretch goals » n’augmentent pas toujours la performance et peuvent, dans certains cas, causer une baisse d’engagement quand les écarts entre le défi et la capacité à atteindre le but sont trop grands. Je recommande que peut importe l'intention de se donner des objectifs ambitieux ou pas, de ne pas voir la non atteinte de l'objectif comme un échec, mais comme un apprentissage. Documenter ce qui n'a pas pu être fait et apprendre de ça dans la définition des objectifs pour de futurs plan d'action.
Ce que ça change en pratique
Avec ce dispositif, voici certains effets tangibles que j’ai pu observer :
On diminue les oublis : les chantiers stratégiques restent visibles, on les ressuscite au besoin
On améliore la cohérence entre les tâches quotidiennes et les objectifs stratégiques : les gens voient comment ce qu’ils font « maintenant » alimente le plan plus large
On recentre les efforts : le tableau de bord rend visibles les goulots d’étranglement, ce qui permet de prioriser ou de réallouer des ressources
On nourrit la motivation : célébrer les petites victoires, rendre visibles les progrès, cela change l’énergie collective.


