Éviter les cycles d’urgences
- Claudia Loutfi

- 8 oct.
- 3 min de lecture
Comprendre la capacité de l’équipe et s’adapter en conséquence
Nos organisations ont souvent des ambitions à la hauteur de leurs valeurs, mais l’écart entre ce qu’on veut accomplir et ce qu’on peut réellement absorber crée un terrain fertile aux urgences à répétition. Ce rythme d’essoufflement collectif, je l’ai vu dans plusieurs équipes : de retour de vacances, tout le monde est déjà en mode rattrapage.
Je n’ai pas de recette miracle, mais avec le temps, j’ai observé quelques leviers concrets pour sortir du cycle des urgences et ramener un peu de respiration dans le travail collectif.
1. Évaluer la capacité réelle avant de planifier
Planifier sans connaître sa capacité, c’est un peu comme partir en expédition sans savoir la quantité d’eau qu’on transporte. Des outils comme Asana, Forecast, ou Jira permettent d’évaluer la charge réelle de travail : combien d’heures sont déjà engagées, sur quels projets et où se trouvent les goulots d’étranglement.
Mais surtout, ces outils servent à apprendre.
Apprendre combien de temps prennent réellement les tâches.
Cela permet d’ajuster les estimations futures et d’éviter les objectifs irréalistes.
Apprendre à mieux évaluer les besoins lors de demandes de financement.
Les données recueillies deviennent des arguments solides pour justifier les ressources nécessaires, sans tomber dans le travail à rabais.
Les données, ici, ne servent pas à surveiller les équipes, mais à soutenir des décisions plus lucides et équitables.
Une étude de Harvard Business Review montre d’ailleurs que les organisations qui mesurent leur charge de travail réduisent de 25 % le taux de surcharge perçu par les employés, notamment grâce à une meilleure répartition des priorités.
2. Prioriser avec discernement
J’utilise souvent la matrice impact / capacité : sur un axe, l’impact d’une action ; sur l’autre, la capacité réelle de l’équipe à la mener.
Faible impact, fort effort ? À remettre en question.
Fort impact, faible effort ? À saisir immédiatement.
Entre les deux ? À explorer différemment : peut-on déléguer, financer autrement, ou ajuster le projet pour qu’il ait plus de portée ?
Ce simple exercice transforme la discussion : on quitte la logique du « tout est urgent » pour revenir à « qu’est-ce qui compte vraiment maintenant ? ».
Une publication de MIT Sloan Management Review va dans le même sens : les organisations qui hiérarchisent leurs actions selon l’impact et la faisabilité augmentent leur efficacité opérationnelle de 20 à 40 %.
3. Créer des mécanismes d’intentionnalité
Une équipe avec laquelle j’ai travaillé m’a appris une leçon simple : planifier le temps avant de planifier les tâches. Dès la création d’un projet ou d’un comité, elle bloque les rencontres nécessaires dans le calendrier. Cela devient une jauge pour évaluer la faisabilité du projet : si le temps prévu déborde, on revoit les priorités.
Ce rituel installe un cadre de réflexion :
Qu’est-ce qu’on peut réellement absorber ?
Où devons-nous dire non ?
Quelle énergie collective veut-on préserver ?
Ce n’est pas un système n'est peut-être pas adapté à toute les cultures organisationnelles, mais il rend visibles les limites avant qu’elles ne deviennent des urgences.
Comme le rappelle McKinsey dans une étude sur la santé organisationnelle : « Les équipes les plus performantes ne travaillent pas plus ; elles travaillent dans des cadres où le rythme, la charge et la clarté des priorités sont explicitement discutés. »
Sortir du cycle des urgences, ce n’est pas une question de volonté. C’est une question de clarté : savoir ce qu’on peut faire, pourquoi on le fait, et comment on protège l’énergie collective pour continuer à avancer, durablement.


